La stòria





Le début de ma scolarité a été, si je peux dire, plaisant. Je me souviens de mon institutrice de maternelle, de ma professeure de dessin en 6ème et de ma prof de philo en seconde. Tout roulait, sauf que je n’avais pas ma place dans un lycée où j’étais censé apprendre l’électricité et l’électronique. Résultat des courses, aucun diplôme, pas même le Certificat d’Etudes, pas de Brevet non plus et encore moins le Bac, pourtant en 68 c’était cadeau, mais j’étais déjà ailleurs. Ce qui m’a donné un point commun avec l’écrivain Raoul Mille et Christian Estrosi, nous sommes des “sans bac” comme quoi… Le seul concours réussi a été, bien plus tard, un concours de manille et encore, à la consolante…

Mauvaise orientation, mauvais plan, j’en suis sorti, ou plutôt je m’en suis échappé pour « voguer vers d’autres eaux » comme dit le poète et j’ai bien fait.

J’avais bien sûr toujours travaillé l’été pour me payer des vacances. Premières rencontres avec les patrons, ça ne durait qu’un mois, l’argent espéré et gagné rendait les contraintes supportables.

Pour mon premier vrai travail, j’ai failli devenir laveur de vitres. Mon futur patron m’avait acheté tout le nécessaire, les raclettes, le bleu de travail du Roi du Bleu les produits de lavage et même la mobylette. Une Matic bleue avec un super porte bagages.

Ce qui m’a empêché de commencer une vie active normale c’est une offre d’emploi dans le Nice Matin remarquée par ma mère le matin même du départ : Recherchons pour film d’animation dessinateurs même débutants. Et voilà ! adieu la mobylette, en route vers une nouvelle aventure. J’adore dessiner, donc même pas peur.

L’aventure avec les Imagiers du Bout du Monde m’a ouvert des portes et des amitiés mémorables. On vivait les uns avec les autres, le travail était passionnant. Le film ne s’est jamais fini, on a jamais été payé, c’était le mois de mai de 1968, on en a profité. Tchao viva !

L’époque baignait dans le Peace and Love. Grande période d’exploration chez les arts graphiques, les voyages, quelquefois même rencontre avec des employeurs sympas et des patrons ingrats toujours quittés et vite remplacés. J’ai même travaillé à l’hôpital, la buanderie, première expérience de travail en équipe. Avec la découverte du syndicat, je deviens pour un temps délégué.

Je quitte l’hosto pour des petits boulots, je dessine et peints des bannières sur satin destinées à des carnavals lointoins, j’en profite pour travailler autour et dans la fête. Je dessine des costumes, surtout des maillots de bains pour les demoiselles qui montent sur les chars que je crée et que je traine avec un petit tracteur. Je ne suis pas seul, on fait les corsi dans les villes autour de Nice.

C’est l’été, l’ambiance est sympa et le patron cool. Je suis même devenu pour un temps Carnavalier élu avec un groupe de grosses têtes. Le travail avec Carnavaliers en tant que peintre a été passionnant, j’ai beaucoup appris.

Initiation à la sérigraphie chez un couple caractériel, je ne traine pas, mais je choppe l’envie de faire. Découverte du Vieux Nice avec ses artistes, ses bricolos. On travaille en équipe, le moral est au beau fixe, on va tout casser. Plein d’activités, au début surtout des vitraux et beaucoup un peu ce qu’on nous demande. Décorations en tout genre, aménagement, installation de cuisines etc…

Création de l’atelier de sérigraphie. Je me régale, je dessine, j’imprime, j’invente, la production tourne à plein régime tout le monde s’y met. Les moins créatifs s’occupent de la vente et de la comptabilité. Les panneaux imprimés sur aluminium ou stratifiés se vendent très bien. Trop de sous et la folie des grandeurs font exploser la troupe.

S’ensuit une très mauvaise période, je rame et déprime, ça dure…

C’est à Coaraze en portant un plateau de pissaladière sur ma tête que j’ai vu et entendu cette musique. Jusqu’à maintenant, j’écoutais de la musique avec mes oreilles, mais là, le l’entendais avec mon cœur. J’avais rencontré la musique traditionnelle, je ne l’ai plus quittée.

J’avais chez moi une mandoline décrochée d’un mur. Le soir même du festival, j’ai su ce que je voulais faire cette musique avec ses airs plein de joie et d’envie de danser qui me semblait à moi novice, faisable, envisageable. Au début, on répétait des nuits entières le même morceau, La Montferina , c’était le bonheur. Au bout de quelques mois, on pouvait faire du bal. On ne parlait plus le patois, on chantait en oc, le Niçois est notre langue.

J’ai fréquenté les groupes les meilleurs, Bachas, Mont Joia, Mauris, Alain Pelhon et Sauvaigo avec leurs poésies en occitan et les instruments magnifiques, vielles, tountouns, mandolines, violons, accordéons, guitares… C’était mes idoles, ils devenaient mes amis. Je dessinais leurs pochettes de disque, le moral était revenu au beau fixe, je planais.

Et puis, le groupe s’est stabilisé. Le quatuor est devenu trio et de trio, duo avec mon compère Jan- Nouvè Mabelly. De plus en plus les sketches s’ajoutaient à la musique jusqu’à la remplacer. Notre duo faisait connaissance avec les cafés-théâtres, on jouait beaucoup.

La responsable de l’atelier de création de Radio France, Michelle Borin m’a demandé de réfléchir à un feuilleton radiophonique entre Sur le banc avec Raymond Souplex et Tanta Vitourina de Françis Gag. Après dix ans de tournée avec Jan-Nouvè, de camping en grandes salles j’étais prêt. Lui ne l’était pas. Noëlle Perna derrière son bar que je fréquentais, l’était.

Le Bar des Oiseaux, feuilleton radio, puis spectacle à succès, nous a tenu 10 ans par intermittence. D’autres créations sont venues du one man show à la comédie musicale. Dix années de création en duo avec Martine Pujol, avec notamment la trilogie des Chaises de la Promenade qui faisaient des salles combles.

40 ans de passion, plus de 30 spectacles avec la chance d’avoir travaillé avec les meilleurs.

Beaucoup sont parti rejoindre le paradis des artistes.

Avec ceux qui restent, je continue… VIVA !